Insécurité : nos mangues perdent le marché américain

27 avril 2023 | Le Nouvelliste Les USA arrêtent le mecanisme qui permettait à Haïti d’exporter ses mangues. Avec la fermeture du programme de pré-dédouanement des mangues par le ministère de l’agriculture des USA, les pertes d’exportation seront de 10 à 15 millions de dollars US. Les pertes d’emplois directs et indirects se compteront par milliers et un demi-million de paysans vivant dans plusieurs dizaines de communes seront privés de revenus. Pour la filière, c’est un tsunami, a appris Le Nouvelliste.

Le département de l’agriculture des USA ferme le programme de pré-contrôle à l’exportation des mangues à cause de l’aggravation de l’insécurité en Haïti. La note officielle sera communiquée sous peu. Les membres de l’Association nationale des exportateurs de mangues (ANEM) ont été informés de cette décision le 19 avril dernier. A l’évidence, Haïti ne pourra pas exporter ses mangues en 2023, a appris Le Nouvelliste d’une source proche de la filière mangue qui vit un véritable tsunami alors que d’autres pays, comme la République dominicaine, se sont déjà positionnés pour capter les parts de ce marché de niche aux USA.

Quid de l’impact

« L’impact ? Haïti a exporté 10 000 tonnes métrique de mangues en 2022, 13 000 en 2021. Cette décision va provoquer des pertes d’exportation de 10 à 15 millions de dollars. Huit usines employant entre 100 à 400 personnes vont fermer. 200 camionneurs se retrouveront sans emplois. 300 à 400 fournisseurs de mangues seront au chômage. 20 000 tonnes de mangues franciques vont sous les arbres. Un demi-million d’Haïtiens seront privés des revenus de la récolte des mangues », a répondu une source proche du secteur interrogée par Le Nouvelliste.

Ces Haïtiens qui seront privés de revenus vivent dans des communes de plusieurs départements du pays Gonaïves, Gros Morne, Terre Neuve, Ennery, Saint Michel de l’Attalaye ,Mirebalais, Saut d’Eau, Lascahobas, Boucan Carré, Thomonde, Hinche, Maissade, Cerca Cavajal, Pignon, Saint Raphael, la Victoire, Mombin Crochu),Jean Rabel, Chansolme, Bassin Bleu, Port de Paix, Saint Louis du Nord, a expliqué cette source.

La compétition sur ce marché de niche est féroce. La République dominicaine, entre 2018 et 2022 a construit 4 nouvelles usines. Les Dominicains ont glané une part de marché plus importante aux Etats-Unis, a souligné notre source.

Pour renverser la vapeur, il faudrait tout simplement que s’arrête la violence des gangs et que l’on retourne au travail, a dit cette source qui s’est fendu d’une prédiction. « Haïti disparaitra sur la carte des exportations, y compris de la sous-traitance si le pays n’est pas un fournisseur fiable », a-t-elle indiqué. Interrogée sur une position de l’Association nationale des exportateurs de mangues, cette source a indiqué : « mande’m toujou ! ».

Les Américains avaient prévenu

Les autorités du département de l’agriculture des USA, avant l’arrêt du programme, avaient informé l’ANEM et les autorités haïtiennes des difficultés rencontrées par ses inspecteurs dans une lettre en octobre 2022. « Conformément à notre conversation téléphonique du 13 octobre 2022, cette lettre a pour but d’informer l’ANEM que APHIS fermera le programme de pré-dédouanement des mangues en Haïti à la fin du mois de janvier 2023. Nous prenons cette mesure en raison de l’aggravation des difficultés en Haïti qui ont rendu impossible pour nos inspecteurs APHIS de travailler en toute sécurité. Cette mesure est conforme aux informations que nous avons reçues de l’ambassade des États-Unis à Port-au-Prince. Nous avons placé les dix inspecteurs de l’APHIS en Haïti en congé indéfini et rémunéré à compter du 10 octobre 2022 », pouvait-on lire dans une lettre envoyée au président de l’association nationale des exportateurs de mangues ( ANEM), Ralph Perry par Jorge Abad, directeur régional pour l’Amérique centrale et les Caraïbes USDA APHIS PPQ Pré-dédouanement et Programmes Offshore.

« Notre équipe restera en congé jusqu’à la fermeture officielle du programme. Nous nous engageons à travailler en étroite collaboration avec eux, l’organisation nationale de protection des plantes d’Haïti et l’ANEM, l’organisation nationale de protection des végétaux d’Haïti, pour faire avancer ce processus. Nous envisagerons de rétablir le programme si la situation en Haïti s’améliore, en consultation avec l’ambassade des États-Unis. Nous apprécions votre collaboration et l’attention rapide que vous portez à cette question. Sachez que la sécurité de nos employés est notre plus grande préoccupation. Nous sommes disponibles si vous avez des questions pendant cette période de transition », selon cette lettre en date du 24 octobre 2022.

Pour les exportateurs de mangues ou de n’importe quel produit, circuler à Canaan, en Plaine du Cul-de-Sac, à Pont Sondé… est devenu un défi sécuritaire. Les multiples incidents au bas de Delmas, autour du port, ont provoqué la perte de cargaison de mangues qui n’ont pas pu partir à temps, ont indiqué nos sources.

Cette mauvaise nouvelle pour la filière de mangue intervient dans un contexte de défi en matière d’emplois et d’aggravation de l’insécurité alimentaire. « Les défis en matière d’emplois, de protection sociale et de sécurité alimentaire restent considérables. À titre d’exemple, 9 000 emplois pourraient être supprimés dans l’industrie de l’habillement d’ici à juin 2023 », a indiqué le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres dans son rapport au conseil de sécurité de l’ONU le 14 avril 2023.

« Sur le plan de la sécurité alimentaire, la situation reste alarmante. Selon le dernier cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire pour la période allant de mars à juin 2023, 4,9 millions de personnes sont en proie à une insécurité alimentaire aiguë et ont besoin d’une aide humanitaire urgente (phase 3 et plus). Ce chiffre représente 49 % de la population et une augmentation de 200 000 personnes par rapport à l’analyse précédente. Au total, 1,8 million de personnes sont en situation d’urgence (phase 4). Sur l’ensemble des ménages, 72 % considèrent que l’alimentation est leur principal besoin prioritaire », a indiqué le secrétaire général de l’ONU